Pourquoi le Maroc réévalue sa stratégie solaire : Un tournant vers le photovoltaïque et le stockage

Pourquoi le Maroc réévalue sa stratégie solaire : Un tournant vers le photovoltaïque et le stockage

Le Maroc, pionnier du solaire thermique à concentration (CSP), a récemment amorcé un changement stratégique en orientant ses projets futurs vers le solaire photovoltaïque (PV) combiné avec des systèmes de stockage par batteries. Ce virage est motivé par plusieurs défis techniques rencontrés dans des projets phares comme Noor III, les retards accumulés sur Noor Midelt I, et surtout la baisse spectaculaire des coûts du PV, associée à l'essor des batteries de stockage à grande capacité. Un rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) met en lumière cette évolution qui reflète également une tendance mondiale marquée par un déclin du CSP.

Les défis du solaire thermique à concentration

Pendant des années, le Maroc a été un leader mondial dans le domaine du solaire thermique à concentration, notamment avec son complexe phare, Noor Ouarzazate. Toutefois, la transition énergétique mondiale et les défis techniques croissants du CSP obligent le Royaume à réévaluer sa stratégie. Le cas de la centrale Noor III illustre bien ces obstacles. En 2024, la centrale a connu plusieurs pannes techniques et des défaillances dans son système de stockage, entraînant une fermeture de neuf mois et des pertes financières importantes, estimées à 47 millions de dollars.

Dans un secteur où la fiabilité des infrastructures et la stabilité des rendements sont cruciales pour attirer les investisseurs, de tels contretemps pèsent lourdement sur la rentabilité des projets. Le CSP, bien que prometteur, reste une technologie complexe et coûteuse à mettre en œuvre, surtout dans un contexte où le solaire photovoltaïque, devenu de plus en plus compétitif, semble offrir une alternative plus fiable et économique.

Retards et réajustements à Noor Midelt I

Le projet Noor Midelt I, qui représente un investissement de 2 milliards de dollars pour une capacité de 800 MW, est un autre exemple des défis rencontrés. Le rapport souligne que ce projet, bien que soutenu par un contrat d'achat d'électricité (PPA), connaît de graves retards de construction. Cela a poussé les autorités marocaines à envisager une refonte du projet, initialement conçu autour de la technologie CSP, pour privilégier des solutions photovoltaïques couplées avec des batteries de stockage. En effet, le stockage thermique par sels fondus pourrait être remplacé par des systèmes de stockage plus économiques, plus flexibles et plus rapides à déployer.

L'essor du photovoltaïque et des batteries

Cette réorientation s'explique par la chute spectaculaire des coûts du photovoltaïque au cours des dernières années, couplée à l'émergence de batteries de stockage à grande échelle. En conséquence, les autorités marocaines sont en train de négocier avec les opérateurs du réseau pour adapter le projet Noor Midelt I, et les phases suivantes, Noor Midelt II et III, ont été attribuées en 2024 sous forme de projets solaires photovoltaïques combinés avec des systèmes de stockage par batteries, abandonnant ainsi l'idée initiale d'un projet hybride PV-CSP.

Un déclin global du CSP

Le Maroc ne se retrouve pas seul dans cette situation. Le rapport d’Irena souligne que l’industrie mondiale du CSP traverse des difficultés similaires. Les investissements mondiaux dans le solaire thermique ont chuté à 12,1 milliards de dollars en 2024, soit leur niveau le plus bas depuis 2013. En dehors de la Chine, qui représente 87 % de la capacité CSP investie entre 2023 et 2024, cette technologie peine à séduire. Les raisons sont multiples : des exigences en capital élevées, des délais de construction bien plus longs que ceux du photovoltaïque, la concurrence accrue du PV avec stockage, et un manque de soutien politique dans de nombreux pays.

L’Espagne, par exemple, a récemment décidé de repousser son objectif d’installation de 4,8 GW de CSP à 2030, contre 2025 initialement. De plus, une enchère de 220 MW organisée en 2022 n’a abouti à aucun projet, illustrant bien la désaffection croissante pour le CSP.

Le photovoltaïque en tête des investissements mondiaux

À l’inverse, le photovoltaïque a connu un essor sans précédent. Selon le rapport d’Irena, le solaire photovoltaïque a attiré 554 milliards de dollars d’investissements en 2024, soit une augmentation de 49 % par rapport à 2022-2023. Ce secteur représente désormais 69 % des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables. Les réductions de coûts pour les projets à grande échelle comme pour les installations résidentielles, la surproduction de modules en Chine, et un soutien politique renforcé ont permis au PV de devenir l’option privilégiée sur le marché mondial de l’énergie solaire.

Le Maroc, fidèle à son rôle de précurseur dans les énergies renouvelables, adapte sa stratégie face à l’évolution des technologies et des coûts. Si le solaire thermique à concentration a montré son potentiel, il semble désormais que l'avenir de l’énergie solaire réside dans le photovoltaïque couplé au stockage par batteries. Ce pivot stratégique, qui suit une tendance mondiale, pourrait permettre au Maroc de maintenir sa position de leader tout en répondant plus efficacement aux défis économiques et techniques du secteur.

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